

L’Initiative et la recherche opérationnelle sur le paludisme
Il existe de nombreux outils et stratégies de prévention éprouvés, ainsi qu’un arsenal de diagnostics et de traitements efficaces, pour éviter et pour soigner le paludisme. Au cours des vingt dernières années, l’élargissement de l’accès à ces dispositifs a eu un impact majeur sur la réduction de la charge mondiale de morbidité palustre.
Pour autant, les progrès ont ralenti, voire stagné, ces dernières années, en particulier sur le continent africain qui est le plus atteint par la maladie. La résistance aux antipaludiques vient notamment menacer les efforts mondiaux de lutte contre le paludisme : de récentes études font état de cas de paludisme pharmacorésistant ou encore d’une mutation de l’antigène du parasite qui, pisté par les tests rapides, produit de nombreux faux négatifs.
Une action urgente est donc nécessaire pour remettre le monde sur la voie qui lui permettra d’atteindre les cibles de la stratégie mondiale de lutte contre le paludisme : réduire d’au moins 90 % l’incidence de la maladie et la mortalité palustre d’ici 2030 par rapport à 2015.
Face aux défis que constituent notamment l’évolution du parasite et l’augmentation de la pharmacorésistance, des outils et méthodes inédits doivent être mis en place. C’est pourquoi L’Initiative soutient la recherche opérationnelle. En évaluant de nouvelles interventions dans la riposte aux pandémies, les programmes de recherche opérationnelle permettent en effet de produire des données scientifiquement valides pour encourager leur passage à l’échelle.
En 2020, L’Initiative a ainsi lancé un appel à projets en recherche opérationnelle destiné à tester des stratégies pour améliorer l’accès, la qualité et l’efficience des services de prévention, de diagnostic et de prise en charge du paludisme dans les pays les plus touchés. Deux des projets retenus en 2019 et 2020 sont actuellement mis en œuvre au Burkina Faso, un pays où le paludisme est endémique, notamment de juin à octobre au moment de la saison des pluies.
Mis en œuvre entre 2016 et 2019, le projet REACT visait à évaluer l’efficacité de quatre outils complémentaires aux moustiquaires imprégnées à longue durée d’actions contre la transmission résiduelle du paludisme dans les zones rurales du Burkina Faso et de la Côte d’Ivoire. Si le projet a pu démontrer l’efficacité des outils testés comme les pulvérisations d’insecticide à effet rémanent à l’intérieur des habitations, il a surtout mis en lumière les difficultés d’accès des populations vulnérables à la prévention, au diagnostic et aux médicaments : seul un cas de paludisme sur six donnait lieu à une consultation médicale dans les zones de l’étude.
C’est sur la base de ce constat qu’a été conçu le second volet du projet, REACT2. Financé par Expertise France via L’Initiative et porté par l’Institut de recherche pour le développement (IRD), son objet consiste à étudier l’impact de la mise en place d’équipes mobiles médicales et de prévention supervisant des agents de santé communautaires au sein des communautés rurales. Cette intervention est déployée progressivement dans des villages cibles afin de comparer son efficacité par rapport aux villages où l’intervention n’est pas encore mise en œuvre. Les données de l’étude permettront de vérifier si la présence des équipes mobiles en appui aux agents communautaires permet effectivement d’améliorer la prise en charge du paludisme dans les villages concernés.

Le second projet de recherche opérationnelle financé par L’Initiative au Burkina Faso cherche, quant à lui, à renforcer l’impact de la chimio-prévention du paludisme saisonnier (CPS) auprès des enfants de moins de 5 ans, groupe particulièrement vulnérable au paludisme. L’intervention consiste à dépister et traiter les membres du foyer qui dorment avec les enfants couverts par la CPS, même lorsqu’ils sont asymptomatiques, afin de réduire la circulation du plasmodium et assécher le réservoir parasitaire.
« C’est le principal objectif de cette étude menée dans le district sanitaire de Nanoro, explique Paul Sondo, chercheur à l’Institut de recherches en sciences de la santé (IRSS) qui porte le projet. La CPS est une stratégie prometteuse, mise en œuvre depuis 2014 au Burkina Faso. Mais la charge du paludisme des enfants de moins 5 ans est toujours élevée dans le pays. Cela suppose que d’autres facteurs impactent négativement l’efficacité de cette intervention, notamment le fait que de nombreuses personnes au sein des foyers ne sont pas soumises à une intervention spécifique alors qu’elles sont porteuses asymptomatiques du parasite. »
Ce programme, mené sur deux périodes de quatre mois, porte sur 526 foyers dans lesquels vivent des enfants âgés de 3 mois à 5 ans. Ces foyers ont été inclus de façon aléatoire dans l’un ou l’autre groupe : dans le premier, seule la CPS habituelle est fournie aux enfants ; dans le second, la CPS pour les enfants est complétée, chaque mois, par un test de dépistage rapide des membres du foyer, suivi, en cas de test positif, d’un traitement antipaludique. La comparaison de l’incidence du paludisme et du taux d’infection chez les enfants entre les deux groupes permettra de déterminer l’efficacité de l’intervention.
Selon Paul Sondo, le programme est encore « en phase de suivi mais l’intervention montre pour l’instant que le taux de détection du test de dépistage rapide est plus élevé dans le groupe témoin. Il y aurait donc une corrélation entre le taux de positivité des colocataires et la résistance à la CPS des enfants. »
Les résultats définitifs de l’étude, qui prévoit également « d’étudier le degré d’observance du traitement, l’acceptabilité pour les membres des foyers et le coût-efficacité de l’intervention proposée » seront connus fin 2023. S’ils sont probants, cette stratégie pourrait être répliquée au niveau national et adaptée dans les pays où le paludisme est endémique.
