L’Initiative publie depuis 2018 un appel à projets dédié à la recherche opérationnelle. Exemples de projets novateurs en cours en Éthiopie et au Viêt Nam.
L’Initiative soutient la recherche opérationnelle pour innover face à la tuberculose
Soutien de la recherche opérationnelle depuis sa création, L’Initiative publie chaque année depuis 2018 un appel à projets dédié à des programmes qui font bouger les lignes. Parmi ceux-ci, deux projets particulièrement novateurs sont en cours de déploiement en Éthiopie et au Viêt Nam.
En 2021, après douze mois de crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19 qui ont réduit à néant douze ans de progrès dans la lutte mondiale contre la tuberculose, L’Initiative a lancé un appel à projets intitulé : « Recherche opérationnelle : lutte contre la tuberculose, répondre aux besoins des populations vulnérables et les impliquer dans la réponse ». Pour Veronica Noseda, chargée du suivi de ces projets, « il s’agit entre autres d’évaluer des stratégies innovantes de prévention, diagnostic et prise en charge de la tuberculose s’adressant de manière ciblée aux publics les plus exposés. » De fait, si l’engagement communautaire a largement fait ses preuves dans la lutte contre le VIH, beaucoup reste à faire dans le champ de la tuberculose. L’objectif : « valoriser l’expérience et les compétences des groupes vulnérables dans la mise en œuvre de ces stratégies. »
Au Viêt Nam, prendre en charge la tuberculose parmi les usagères et les usagers de drogues injectables
Le projet Drive-TB, porté par l’Inserm-UMR « Pathogenèse et contrôle des infections chroniques et émergentes » de l’université de Montpellier, en collaboration avec l’université d’Haïphong et l’ONG vietnamienne SCDI, a ainsi été sélectionné en 2021. Cofinancé par l’Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales (ANRS-MIE), il vise à réduire la tuberculose chez les usagères et usagers de drogues injectables de la ville d’Haïphong, au Viêt Nam.
Ce projet met en action une approche communautaire qui a fait ses preuves dans le champ du VIH. « Drive-TB est dans la continuité du programme Drive-In qui visait à contrôler le VIH au sein de la même communauté, explique Nicolas Nagot, responsable opérationnel de ce projet au CHU de Montpellier. Drive-In a permis un dépistage massif du VIH parmi les usagers de drogues injectables en trois vagues d’échantillonnages axés sur les répondants. »
Concrètement, cela veut dire que les premières personnes échantillonnées recrutent les autres usagers pour le dépistage en distribuant des coupons, motivées par la promesse d’une (petite) compensation financière pour chaque coupon revenu au centre de santé géré par des pairs (usagères et usagers, ou anciens usagères et usagers), formés par SCDI. Grâce à cette méthode qui permet de toucher de façon capillaire tout le réseau, environ deux tiers des usagères et usagers de drogues d’Haïphong ont ainsi été dépistés pour le VIH et orientés le cas échéant vers les services de santé adéquats pour une prise en charge. La même approche a ensuite été mise en place pour l’hépatite C, avec le même succès. Cependant, l’équipe de recherche a remarqué que la mortalité restait anormalement élevée à cause de la tuberculose. Une étude transversale a révélé des taux d’incidence parmi les usagers de drogues vingt à cinquante fois supérieurs aux taux d’incidence moyens du Viêt Nam, pourtant l’un des pays les plus touchés du monde par la maladie.
« Forts de notre expérience d’intervention communautaire, nous avons imaginé Drive-TB pour dépister à grande échelle la tuberculose, » détaille Nicolas Nagot. Le programme sera lancé courant 2023 et prévoit quatre vagues d’échantillonnage pour couvrir un maximum d’usagers. Tous les participantes et participants répondront à un questionnaire pour évaluer les symptômes de la tuberculose, pourront passer une radiographie pulmonaire et avoir accès à un dépistage de la tuberculose latente. Celles et ceux qui recevront un diagnostic de tuberculose active seront pris en charge par les acteurs et actrices de santé communautaires, tandis qu’on offrira un traitement préventif aux personnes ayant une tuberculose latente.
Enfin, le programme prévoit également d’identifier les cas contacts des personnes malades, grâce à la mobilisation des acteurs communautaires. Pour Nicolas Nagot, « le lien entre les pairs et les usagers pour le dépistage et l’accompagnement aux soins a fait ses preuves dans la riposte au VIH ». En renouvelant cette approche communautaire, Drive-TB a l’ambition de réduire drastiquement la transmission de la tuberculose parmi les usagers de drogues injectables d’Haïphong.
En Éthiopie, atteindre et traiter les populations éloignées
Autre projet de recherche opérationnelle soutenu par L’Initiative à la suite de l’appel à projets 2021 : « Reaching the Unreached Addis-Ababa Population Towards Finding and Treating All to End TB » – atteindre les populations inatteignables d’Addis-Abeba pour dépister, traiter et éradiquer la tuberculose.
Porté par l’Institut de recherche Armauer Hansen (AHRI) et l’ONG belge Apopo depuis juin 2022, ce projet de 48 mois vise à détecter et traiter davantage de cas de tuberculose parmi la population pauvre d’Addis-Abeba. Cette dernière est très exposée à la maladie en raison de mauvaises conditions de logement, d’une grande vulnérabilité et d’un accès limité aux services de santé.
Le protocole de détection mis en place par ce projet est particulièrement novateur : des rats renifleurs sont entraînés par Apopo pour identifier, à partir d’échantillons de crachats, des bactéries de tuberculose qui auraient échappé aux tests de microscopie traditionnelle. Il s’agit donc d’une technique « de triage », qui permet de récupérer certains échantillons qui pourraient se révéler positifs si testés avec des techniques plus sophistiquées de biologie moléculaire, peu disponibles dans le pays. Ce projet bénéficiera directement à 450 000 personnes vulnérables en zone urbaine défavorisée, les sensibilisant à la tuberculose et au dépistage grâce à l’implication d’agents de santé communautaire.
De fait, pour Veronica Noseda, « l’évaluation scientifique de stratégies novatrices, adaptées aux contextes locaux et aux modes de vie des populations vulnérables, est l’une des clés pour atteindre un monde sans tuberculose ». L’investissement dans la recherche opérationnelle et dans des programmes de mise en œuvre permet ainsi aux progrès en cours d’exprimer tout leur potentiel en faveur d’une meilleure santé et qualité de vie des malades.