

RIPOSTE : La voix des populations clés
La lutte contre le VIH/sida en Afrique francophone reste une priorité, malgré les progrès réalisés ces 20 dernières années. Les groupes les plus exposés, aussi appelés « populations clés » sont particulièrement touchés : les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes (HSH), les travailleuses du sexe (TS) et les usagers de drogues injectables (UDI) peuvent atteindre des taux de prévalence du VIH avoisinant les 20%. Stigmatisées, voire criminalisées dans certains pays, ces populations ont difficilement accès aux services de prévention et de prise en charge en général. Afin d’atteindre les cibles des 95-95-95 d’élimination du VIH d’ici à 2025 fixées par l’ONUSIDA, il est nécessaire de mettre en place une réponse combinant santé et droits humains à destination de ces groupes. Pour un réel impact, cette réponse doit impliquer les personnes directement concernées, de la conception des interventions à leur réalisation concrète.
Cette volonté de structuration de la parole communautaire appuie un changement de paradigme : passer de la simple représentation ou consultation des populations clés au CCM, à un plus grand leadership, par leur participation effective au sein du CCM et auprès des instances nationales, dans un cadre de redevabilité vis-à-vis des communautés représentées.
S’assurer de la bonne représentativité et de la meilleure qualité de la contribution des populations clés à la mise en œuvre et au suivi de ces programmes : ce sont les défis que se propose de relever REVS PLUS pour stopper l’épidémie là où elle sévit encore.
Afin d’impliquer les populations clés dans la lutte contre les pandémies, le Fonds mondial permet à des représentants des populations clés de siéger au sein des CCM. L’objectif poursuivi est que les subventions et activités de lutte contre les pandémies prennent en compte les besoins spécifiques de ces groupes.
Cependant, la pleine contribution de ces représentants n’est pas toujours effective. Manquant de connaissances sur les procédures du Fonds mondial, leur pouvoir d’action et marges de manœuvre, ils sont souvent cantonnés à un rôle de caution, d’autant plus dans des contextes parfois hostiles. Dans les cas où ils sont mieux armés, le contexte stigmatisant continue de freiner leur parole, ce qui rend difficile les avancées et les résultats concrets. Il est donc nécessaire de renforcer les compétences des représentants des organisations de populations clés pour qu’ils puissent peser de tout leur poids sur les décisions qui les concernent, à égalité avec les autres membres du CCM.
REVS PLUS se propose ainsi à travers le projet RIPOSTE de structurer la contribution communautaire – la voix des populations clés - dans les instances de décisions du Fonds mondial, via un appui technique d’accompagnement communautaire de leurs représentants.
Pour ce faire, le projet s’appuie sur des « Riposteurs », c’est-à-dire des ressources humaines d’accompagnement communautaire, basées chez les acteurs de mise en œuvre dans les 4 pays ciblés par le projet. Aux côtés des représentants des populations clés, les « Riposteurs » ont vocation à les former, les appuyer et valoriser le travail autour de leur mandat, mais aussi à assurer une continuité lors des renouvellements de mandat.
Des ateliers sont ainsi menés afin de mettre en place un dispositif d’alerte et de soutien juridique à distance des populations clés. Dix pairs-éducateurs ont été formés à la fonction de juriste pour garantir la surveillance, la documentation des violations des droits et le reporting à Maurice et au Mali. Ils assurent aujourd’hui la remontée des informations issues du terrain aux « Riposteurs » et le recueil d’informations au sein de leurs propres réseaux. De décembre 2020 à mars 2021, 29 cas de violences ont été recensés auprès des populations clés.
Ces appuis techniques, continus et spécifiques à chacun des représentants leur permettront de se positionner en véritable acteur tant pour construire le plaidoyer à porter que pour assurer le rendu de compte aux communautés.
En 2020, plus de 20 ateliers de renforcement des capacités et 16 webinaires ont été menés auprès des représentants et des leaders de populations clés. Un appui technique de L’Initiative est venu renforcer le projet en 2021 via la création d’une boite à outils pour structurer la capacité à agir et à influencer des représentants, et renforcer la construction d’une identité de groupe RIPOSTE national. Conscientiser les violences subies, apprendre à exprimer les problèmes qui font le quotidien et les traduire en solutions : ce sont les objectifs de ces appuis.
Au Burkina Faso, en amont du processus de soumission de la demande de financement du Fonds mondial, les « Riposteurs » ont rassemblé autour d’eux un groupe rédactionnel dédié aux populations clés, avec l’appui d’une consultante déployée dans le cadre d’une mission d’assistance technique de L’Initiative. Plusieurs propositions des populations clés ont ainsi été intégrées à la demande de financement du pays. L’intégration de ces propositions est le fruit du travail de mobilisation et de structuration de cette expertise terrain et communautaire.
Via une approche de plaidoyer construite et portée par les populations clés, le projet RIPOSTE crée un espace de partage et de diffusion des réponses communautaires. Des forums nationaux des communautés, rassemblant les pairs-éducateurs et les membres des communautés mobilisées sont organisés dans chacun des pays. Leur but ? Favoriser la participation éclairée des personnes issues des communautés et leur offrir des espaces de résonnance pour renforcer leur action dans la lutte.
En 2020, ARCAD Santé PLUS a réuni pendant 3 jours les acteurs de terrain des associations d’encadrement des populations clés de Bamako et des 5 régions du Mali, en vue de l’élaboration de la demande de subvention au Fonds mondial. Une déclaration commune, « La voix des populations clés au Mali », comprenant 16 recommandations pour améliorer la prise en charge de ces groupes a été publiée suite au forum national. Ces recommandations ont été portées lors du dialogue pays. Certaines d’entre elles ont été acceptées et seront mises en œuvre par ARCAD Santé PLUS, en tant que Récipiendaire Principal du Fonds mondial au Mali.
De même, à Maurice, L’ONG PILS a organisé en décembre 2020 une conférence intitulée « VIH, drogues et addictions : Renforcer la prise en charge ». Cet événement majeur dans le pays a permis aux parties prenantes à Maurice de partager les problèmes auxquels elles sont confrontées sur différents thèmes, et des propositions de solutions ont également été apportées. A l’issue de la conférence, un comité a été mis en place pour les personnes vivant avec le VIH par le ministère de la Santé et du Bien-être.
Grâce à ces forums nationaux, l’expertise communautaire se structure et influence les discussions nationales.
La proximité des associations partenaires, toutes membres du réseau de Coalition PLUS, leur permet de construire une logique d’intervention intégrée et régionale, basée sur une méthodologie commune. Cette structuration du plaidoyer et ce travail en réseau permettra de mettre en évidence les obstacles à la prise en compte de la voix des communautés dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques publiques nationales et des programmes de lutte contre le VIH/sida. Des temps de plaidoyer commun seront menés entre les différentes associations du projet, afin de les mettre en position de porter au niveau régional des revendications nationales communes. L’ambition ? Modéliser une démarche duplicable dans d’autres contextes pour faciliter et accroitre la prise en compte des communautés dans les politiques de santé publique.
REVS PLUS
Créée en 1997 et reconnue d’utilité publique par le décret du 24 avril 2019, REVS PLUS est l'une des premières associations communautaires de lutte contre le VIH/sida et les hépatites au Burkina Faso. Sa mission : contribuer au bien-être socio-économique et sanitaire de la population en général, mais principalement des groupes les plus vulnérables : personnes vivant avec le VIH, orphelins et enfants vulnérables, et populations clés. Depuis 2014, REVS PLUS mène un plaidoyer sur la promotion et le respect des droits humains des populations clés. Elle met en œuvre le projet RIPOSTE au Burkina Faso, avec le soutien de L’Initiative et le déploie grâce à l’appui de ses partenaires dans 3 autres pays : au Burundi via l’ANSS, au Mali via l’association ARCAD Santé PLUS, et à Maurice via l’ONG PILS.