Un enjeu humain à la frontière entre la Thaïlande et le Myanmar
En 2019, le nombre total de migrantes et de migrants enregistrés en Thaïlande était estimé à plus de 3 millions, originaires du Myanmar, du Cambodge et du Laos. Le pourcentage de femmes migrantes enregistrées en Thaïlande est estimé entre 40 % et 45 %. Selon l’Office international des migrations (OIM) de Thaïlande, le nombre de travailleurs migrants originaires du Myanmar enregistrés est estimé à au moins 2,3 millions, auxquels s’ajoutent 800 000 migrantes et migrants sans papiers.
Ces migrantes et migrants sans-papiers ne sont pas couverts par des régimes publics d’assurance maladies et sont confrontés à de gros obstacles dans l’accès à des soins de qualité, accentués par une mauvaise connaissance de la santé et des maladies. En Thaïlande, la marginalisation, la situation d’irrégularité et de pauvreté pour les migrantes et les migrants du Myanmar les empêchent d’avoir accès aux services fournis par le gouvernement. Au Myanmar, le manque d’infrastructures sanitaires et les ressources humaines peu qualifiées empêchent ces migrantes et migrants d’avoir accès à un service de santé de qualité dans leurs pays, notamment en matière de santé maternelle et infantile, de traitement de la tuberculose, du VIH et du paludisme.
D’importants besoins en matière de santé sexuelle et reproductive
Le Myanmar reste aujourd’hui l’un des pays les plus pauvres au monde. Les femmes, particulièrement les femmes enceintes, sont très touchées par le manque d’accès aux services essentiels, notamment dans l’État Karen. Le taux de mortalité maternelle y est de 282 décès pour 100 000 naissances en vie. Il s’agit d’un des taux les plus élevés en Asie du Sud-Est. Près de 87 % des décès maternels surviennent en zones rurales, où les infrastructures sont insuffisantes et l’accès aux services de santé reproductive est limité, voire inexistant. Ces données reflètent des déterminants structurels qui entravent l’accès à la santé pour les migrantes et les migrants du Myanmar : transports coûteux et difficiles sur des terrains accidentés, manque d’infrastructures communautaires et/ou sanitaires, statut socio-économique défavorisé et marginalisé, manque de connaissances en matière de santé et de sensibilisation aux besoins de santé génésique dans l’ensemble des communautés.
La démographie des travailleurs et des travailleuses migrants du Myanmar en Thaïlande (principalement des personnes de l’adolescence à la fin de la trentaine) coïncide avec la période la plus active et la plus vulnérable en matière de santé sexuelle et reproductive (SSR). Les femmes, les adolescentes et les adolescentes en âge de procréer sont les plus touchés par les problèmes de santé sexuelle et reproductive. Lorsque les hommes peuvent s’inscrire et bénéficier d’une assurance maladie, ils sont souvent accompagnés de leur femme et de leurs enfants, laissés sans couverture dans ces dispositifs publics. L’accès aux services de santé, d’éducation et de protection sociale est ainsi très limité pour les femmes et les enfants du Myanmar installés en Thaïlande.
Pour permettre à ces femmes du Myanmar d’avoir accès à des soins, des consultations sont assurées par des cliniques privées, telles que la clinique de Wang Pha, tenue du côté de la frontière thaïlandaise, par le SMRU. Ces femmes doivent ainsi traverser en toute illégalité quotidiennement la rivière Moei qui sépare les deux pays voisins pour venir y accoucher et recevoir les premiers soins avant de repartir.
Une approche proactive
Ce projet vise à répondre aux besoins complexes en matière d’accès aux soins des femmes migrantes de Myanmar installées en Thaïlande. Il s’inscrit ainsi dans le cadre de l’objectif n°3 des Objectifs de développement durable pour donner les moyens de vivre une vie saine et promouvoir le bien-être de tous à tous les âges. Il a pour ambition de :
- soutenir la mise en réseau et la coordination des parties prenantes de la santé sexuelle et reproductive à Phop Phra et Mae Ramat ;
- renforcer les capacités des agentes et agents de santé communautaires et développer les services de santé sexuelle et reproductive à travers des équipes mobiles ;
- mettre en place un système de suivi et de surveillance des services de santé sexuelle et reproductive, en y incluant les cas d’urgence et de violences basées sur le genre.
Le projet est mis en œuvre par le SRMU pour une durée de trois ans dans la province de Tak en Thaïlande dans les trois districts de Mae Sot, Mae Ramat et Phop Phra, qui représentent les principaux points de passage de personnes allant du Myanmar vers la Thaïlande. Ces lieux concentrent une forte proportion de populations mobiles, comprenant les femmes et les femmes enceintes à la recherche de soins dans les centres de santé primaire du système de santé thaïlandais ou dans les établissements privés.
Le SMRU met en place une approche proactive en permettant une meilleure intégration transversale des services de santé et en développant une approche communautaire pour faciliter l’intégration des populations marginalisées, actuellement en dehors du réseau de soins. Une première phase d’évaluation et de quantification, menée en lien avec les partenaires du projet, permettra de dresser l’étendue, la portée, les langues parlées et les types de services de santé sexuelle et reproductive qui sont et pourront être fournis aux migrantes et aux migrants du côté thaïlandais de la frontière avec le Myanmar. Des forums et ateliers seront organisés pour renforcer les capacités des agentes et agents de santé communautaire et de l’équipe de sensibilisation. Des activités mobiles de santé sexuelle et reproductive seront menées par les équipes de proximité sur les sites identifiés. À terme, un programme d’enseignement commun sur la santé sexuelle et reproductive adapté aux adolescentes et aux adolescents sensibles aux questions de genre est attendu. Il permettra aux agents de santé d’assurer des soins préventifs en matière de SSR, des dépistages (test de grossesse, nutrition, tests rapides pour le paludisme et le VIH) et des ateliers de sensibilisation sur la gestion des signes de la tuberculose et des signes de danger pendant la grossesse.
Une synergie entre les projets de L’Initiative
Ce projet sera mis en œuvre par le SMRU en partenariat avec le Bureau provincial de la santé publique de la province de Tak (Tak Provincial Public Health Office, TPHO) et la Fondation pour la santé des régions frontalières (the Borderland Health Foundation, BHF).
Outre ces partenariats opérationnels, le SMRU bénéficiera du soutien et de l’appui du M-FUND, financé par le Fonds mondial et par Expertise France et Unicef, et qui met en œuvre un nouveau modèle d’assurance maladie à but non lucratif et à faible coût pour les migrantes et les migrants du Myanmar vivant en Thaïlande. Le SMRU s’appuiera en effet sur sa collaboration avec le M-Fund pour étendre la couverture d’assurance à ces migrantes et ces migrants.