

Agents de santé communautaire dans le Grand Mékong
Dans la région du grand Mékong, entre 2012 et 2015, l’incidence du paludisme a diminué de 54 % pour atteindre moins de 300 000 cas par an et le nombre de décès a chuté de 84 %. Néanmoins, dans certaines parties du bassin du Mékong, le parasite plasmodium falciparum, espèce la plus mortelle du parasite du paludisme, a développé une résistance à plusieurs combinaisons thérapeutiques à base d’artémisinine, traitement le plus efficace disponible à ce jour.
Cette pharmacorésistance a d’abord été observée au Cambodge et en Thaïlande, puis en Birmanie, au Laos et au Viêt Nam. Confrontés à des difficultés similaires – migrations et mobilité des populations, minorités ethniques, zones difficiles d’accès –, ces cinq pays ont donc pris part en 2014 à l’Initiative régionale contre les résistances à l’artémisinine (RAI), dont L’Initiative est partenaire. Financée par une subvention du Fonds mondial, la RAI suit attentivement l’évolution des cas de paludisme. Elle s’appuie notamment sur une plateforme de coordination des organisations de la société civile, un réseau d’environ 40 000 agents de santé communautaires très souvent bénévoles, qui agissent dans les villages et zones rurales et forestières de la région.
Les cas détectés sont signalés par les agents sur une application de smartphone qui alimente la base de données nationale en temps réel facilitant une réponse rapide en cas d’épidémie localisée. Relais privilégiés entre les populations les plus vulnérables et les systèmes de santé, les agents de santé communautaire sont au cœur du dispositif de suivi régional. En effet, leur rôle est déterminant car le diagnostic et le traitement précoces de la maladie sont essentiels pour éliminer le paludisme. Les former est donc une priorité de la RAI.
Dans des pays qui souffrent d’un manque criant de professionnels de santé, ils comblent la pénurie et surtout améliorent la prévention, l’accès au dépistage et la qualité des soins délivrés, notamment dans les zones les plus difficiles d’accès ou les plus éloignées des centres de santé. En outre, les communautés font confiance aux agents communautaires. Ils jouent un rôle important dans la promotion de la santé et la prévention des maladies infectieuses qui sont l’objet de représentations sociales variables en fonction du contexte culturel dans lequel baignent les communautés.
Le nombre de bénévoles, les services qu’ils offrent, les incitations financières qu’ils reçoivent et leur statut au sein des structures de santé varient cependant fortement en fonction des pays. Si au Cambodge, au Laos et au Myanmar, ils constituent l’épine dorsale du diagnostic et du traitement du paludisme, en Thaïlande et au Viet Nam, très peu d’agents de santé communautaire peuvent établir un diagnostic et apporter des soins en raison de réglementations nationales plus contraignantes. Il en résulte des inégalités de traitement ou d’accès aux équipements et matériels de santé, qui compliquent la coordination et la gestion des réseaux de bénévoles au niveau régional. L’élaboration d’une stratégie communautaire régionale pérenne s’en trouve affectée.
Ainsi, un récent rapport sur le rôle des agents de santé communautaire dans la région de la RAI recommande de mieux les intégrer aux systèmes de santé des cinq pays pour qu’ils bénéficient de meilleures conditions de travail et d’un salaire décent et de mieux les former. Ce même rapport préconise d’inclure dans la palette de ces agents la prise en charge des problèmes de santé qui affectent les communautés comme la diarrhée, la malnutrition et les infections respiratoires. Cela renforcerait leur rôle dans la prévention et la sensibilisation, et les impliquerait dans l’orientation des malades vers des établissements de soins primaires. Enfin, le rapport suggère d’élaborer des feuilles de route nationales pour renforcer la coordination régionale des réseaux d’agents communautaires, permettant d’harmoniser leurs missions et leur déploiement dans les différents pays.